THE TOXIC AVENGER, ANORAAK, SAWGOOD, ASCO

C'est sous la figure du paradoxe que se présente The Toxic Avenger au premier abord. Caractère introverti capable de comportement extrême, producteur d'électro n'écoutant que de la pop, esprit indépendant sujet aux addictions, Simon Delacroix (dans le civil) collectionne les ambivalences comme autant de possibilités de dépassement. Il l'avoue, son projet à long terme est un grand écart, mais a au moins le mérite d'être clair : « Mon but, c'est de faire une musique qui parle aussi bien aux populos qu'aux branchouilles. » On n'y verra aucune velléité de démocratiser l'avant-garde ou de rendre hype le mainstream, plutôt une volonté d'opérer une synthèse des influences antinomiques qui lui sont chères. Sans doute faut-il chercher cet esprit de synthèse dans un vécu où l'hétérogénéité est synonyme de richesse.

Gosse de la génération Mitterrand, parents journalistes, petite enfance passée dans les locaux de Libération, on lui a appris très tôt les vertus de la mixité culturelle. Plus tard, l'ado adepte de métal hardcore tombe amoureux d'une clubbeuse. Simon aime combler les brèches et s'initie à la musique électronique : découverte des soirées Respect, découverte du Pulp, découverte aussi d'une manière de faire de la musique plus libre et plus personnelle. Un jour, il balance quelques compos électro sur Internet. 3 semaines plus tard, le très en vue label américain Iheartcomix le prend sous son aile. La suite de l'histoire s'écrira dès lors pour le jeune parisien à Los Angeles. À 23 piges, Simon devient Toxic Avenger et se barre aux States. Il intègre la culture américaine à sa culture européenne. Il sort son premier disque et sillonne les U.S.A pendant 3 longues tournées. Se fait le cuir. Écume indifféremment les bars pourris, les clubs à la mode, les gros festivals ou les stades de base-ball plein comme un oeuf. Adoubement par Rolling Stone U.S.A, expérimentation de la démesure, révélation de son potentiel en live, Toxic Avenger s'est fait un nom et revient en France les poches pleines d'un nouveau savoir-faire.

En 2008, il rejoint Roy Music et sort l'album Angst (qui signifie en allemand un sentiment oscillant entre colère et peur. L'ambivalence, toujours l'ambivalence).
Succès critique et public, l'un de ses morceaux (Angst#2) est par ailleurs choisi pour synchroniser la pub Nissan en 2012. À propos de l'album, Toxic confie : « Je pense que les gens qui me suivaient s'attendaient surement à un truc hyper bourrin, hyper club, mais je ne pouvais pas adapter ce style à un format long. 70 minutes de boum-boum, c'est juste chiant. Donc ouais, y'a plein de monde qui a été surpris, je pense que les gens sont en train de le digérer maintenant. » En 2013, Toxic Avenger injecte la notion de temporalité dans sa musique, et compose Romance and Cigarettes, un album qui dialectise nostalgie et modernité. Cette recherche du temps perdu dévoile le fil rouge qui parcourt implicitement son œuvre : « Il y a toujours deux facettes dans ce que je fais : une facette dancefloor, et une autre ultra pop. À propos de cette deuxième, j'ai une image très claire... Si je devais garder un souvenir précis de ma vie, c'est la musique que j'écoutais gamin avec mon père dans sa caisse quand on partait en vacances. J'ai besoin de retrouver exactement cette émotion-là quand je fais de la musique. » On ne s'étonnera donc pas de trouver dans cette album une résonance entre patterns électro et pop 80's FM, fixant ainsi ses souvenirs fantasmés à des éléments musicaux plus actuels. C'est qu'avec Romance and Cigarettes, Toxic Avenger opère sans doute la plus importante de ses synthèses, celle de sa génération.

À l'image de cette génération qui a connu le minitel et qui est désormais accro à Twitter, de cette génération qui a grandi avec les francs et qui compte maintenant en euro, de cette génération qui a tâter du vinyle pour ne plus qu'aujourd'hui écouter du Mp3, Toxic ramasse toutes les contradictions de son époque, qui pour créer, a besoin d'avoir un pied dans le passé et l'autre dans le présent. Bref, une génération qui se présente au premier abord d'une manière paradoxale, et qui ne cesse de synthétiser pour rendre les antinomies fécondes... De cette génération qui bouge sans cesse les lignes esthétiques, Romance and Cigarettes en est la pure expression.